La série
01 : Angélique, marquise des anges 1
02 : Angélique, marquise des anges 2
03 : Le chemin de Versailles 1
04 : Le chemin de Versailles 2
05 : Angélique et le roi 1
06 : Angélique et le roi 2
07 : Indomptable Angélique 1
08 : Indomptable Angélique 2
09 : Angélique se révolte 1
10 : Angélique se révolte 2
11 : Angélique et son amour 1
12 : Angélique et son amour 2
13 : Angélique et le Nouveau Monde 1
14 : Angélique et le Nouveau Monde 2
15 : La tentation d'Angélique 1
16 : La tentation d'Angélique 2
17 : Angélique et la démone 1
18 : Angélique et la démone 2
19 : Angélique et le complot des ombres
20 : Angélique à Québec 1
21 : Angélique à Québec 2
22 : Angélique à Québec 3
23 : La route de l'espoir 1
24 : La route de l'espoir 2
25 : La victoire d'Angélique 1
26 : La victoire d'Angélique 2
Troisième partie
Les couloirs du Louvre
(Mai 1660 – Septembre 1660)
Chapitre 1
– Quoi ! Je suis accablée de douleurs et il me faut encore être entourée de sottes gens. Si je n'avais pas conscience de mon rang, rien ne me retiendrait de me précipiter du haut de ce balcon pour en finir avec cette existence !
Ces paroles amères, clamées d'une voix déchirante, précipitèrent Angélique au balcon de sa propre chambre. Elle vit, penchée à un encorbellement voisin, une grande femme en tenue de nuit, le visage plongé dans un mouchoir. Une dame s'approcha de la personne qui continuait à sangloter, mais l'autre se démena comme un moulin à vent.
– Sotte ! Sotte ! Laissez-moi, vous dis-je ! Grâce à vos stupidités je ne serai jamais prête. Et d'ailleurs cela n'a aucune importance. Je suis en deuil, je n'ai qu'à m'ensevelir dans ma douleur. Qu'importe que je sois coiffée comme un épouvantail !
Elle ébouriffa son ample chevelure et montra son visage marbré de larmes. C'était une femme d'une trentaine d'années, aux beaux traits aristocratiques, mais un peu alourdis.
– Si Mme de Valbon est malade, qui me coiffera ? reprit-elle dramatiquement. Vous avez toutes, tant que vous êtes, la patte plus lourde qu'un ours de la foire Saint-Germain !
– Madame..., intervint Angélique.
Les deux balcons se touchaient presque dans cette rue étroite de Saint-Jean-de-Luz, aux petits hôtels bourrés de courtisans.
Chacun participait à ce qui se passait chez le voisin. Pourtant l'aube se levait à peine, une aube clairette, couleur d'anisette, mais déjà la ville bourdonnait comme une ruche.
– Madame, insista Angélique, puis-je vous être utile ? J'entends que vous êtes en peine à propos de votre coiffure. J'ai là un perruquier habile avec ses fers et diverses poudres. Il est à votre disposition.
La dame tamponna son long nez rouge et poussa un profond soupir.
– Vous êtes bien aimable, ma chère. Ma foi, j'accepte votre proposition. Je ne peux rien tirer de mes gens ce matin. L'arrivée des Espagnols les affole autant que s'ils se trouvaient sur un champ de bataille des Flandres. Pourtant, je vous le demande, qu'est-ce que le roi d'Espagne ?
– C'est le roi d'Espagne, dit Angélique en riant.
– Peuh ! À tout prendre sa famille ne vaut pas la nôtre en noblesse. C'est entendu, ils sont pleins d'or, mais ce sont des mangeurs de raves, plus ennuyeux que des corbeaux.
– Oh ! Madame, ne rabattez pas mon enthousiasme. Je suis tellement ravie de connaître tous ces princes. On dit que le roi Philippe IV et sa fille l'infante vont arriver aujourd'hui sur la rive espagnole.
– C'est possible. En tout cas, moi, je ne pourrai les saluer, car, à ce train, ma toilette ne sera jamais achevée.
– Prenez patience, madame, le temps de me vêtir décemment et je vous amène mon perruquier.
Angélique rentra précipitamment à l'intérieur de la chambre, où régnait un désordre indescriptible. Margot et les servantes achevaient de mettre un dernier point à la robe somptueuse de leur maîtresse. Les malles étaient ouvertes, ainsi que les coffrets à bijoux et Florimond, à quatre pattes, le derrière nu, promenait parmi ces splendeurs sa convoitise.
« Il faudra que Joffrey m'indique la parure que je dois mettre avec cette robe de drap d'or », pensa Angélique tout en étant sa robe de chambre et en revêtant une toilette simple et une mante.
Elle trouva le sieur François Binet au rez-de-chaussée de leur logement, où il avait passé la nuit à frisotter des dames toulousaines, amies d'Angélique, et jusqu'aux servantes qui se voulaient belles. Il prit son bassin de cuivre dans le cas où il y aurait quelques seigneurs à raser, son coffret débordant de peignes, de fers, d'onguents et de fausses nattes, et, accompagné d'un gamin qui portait le réchaud, pénétra à la suite d'Angélique dans la maison voisine.
Celle-ci était plus encombrée encore que l'hôtel où le comte de Peyrac avait été accueilli par une vieille tante, de parenté lointaine.
Angélique remarqua la belle livrée des domestiques et songea que la dame éplorée devait être une personne de haut rang. À tout hasard elle fit une profonde révérence lorsqu'elle se retrouva devant celle-ci.
– Vous êtes charmante, fit la dame d'un air dolent, tandis que le perruquier disposait ses instruments sur un tabouret. Sans vous je me serais gâté le visage à pleurer.
– Ce n'est pas un jour à pleurer, protesta Angélique.
– Que voulez-vous, ma chère, je ne suis pas au fait de tant de réjouissances.
Elle fit une petite lippe navrée.
– N'avez-vous point vu ma robe noire ? Je viens de perdre mon père.
– Oh ! Je suis désolée...
– Nous nous sommes tant détestés et querellés que cela redouble ma douleur. Mais quel ennui d'être en deuil pour des fêtes ! Connaissant la malignité du caractère de mon père, je le soupçonne...
Elle s'interrompit pour plonger son visage dans le cornet de carton que Binet lui présentait tandis qu'il aspergeait abondamment la chevelure de sa cliente d'une poudre parfumée. Angélique éternua.
– ...je le soupçonne de l'avoir fait exprès, poursuivit la dame en émergeant.
– ...l'avoir fait exprès ? Quoi donc, madame ?
– De mourir, parbleu ! Mais qu'importe. J'oublie tout. J'ai toujours eu l'âme généreuse, quoi qu'on en dise. Et mon père est mort chrétiennement... Ce m'est une grande consolation. Mais ce qui me fâche c'est qu'on ait conduit son corps à Saint-Denis avec seulement quelques gardes et quelques aumôniers, sans pompe, ni dépense... Trouvez-vous cela admissible ?
– Certes non, confirma Angélique, qui commençait à craindre de commettre un impair. Ce noble qu'on enterrait à Saint-Denis ne pouvait appartenir qu'à la famille royale. À moins qu'elle n'eût pas très bien compris...
– Si j'avais été là, les choses se seraient passées autrement, vous pouvez m'en croire, conclut la dame avec un geste altier du menton. J'aime le faste et qu'on garde son rang.
Elle se tut pour s'examiner dans le miroir que François Binet lui présentait à genoux, et son visage s'éclaira.
– Mais c'est fort bien, s'écria-t-elle. Que voilà donc une coiffure seyante et flatteuse. Votre perruquier est un artiste, ma belle. Je n'ignore pas pourtant que j'ai le cheveu difficile.
– Votre Altesse a le cheveu fin, mais souple et abondant, dit le perruquier d'un air docte, c'est avec une chevelure d'une telle qualité que l'on peut composer les plus belles coiffures.
– Vraiment ! Vous me flattez. Je vais vous faire bailler cent écus. Mesdames !... Mesdames ! il faut absolument que cet homme s'occupe de moutonner les petites. On réussit à extraire d'une pièce voisine, où caquetaient dames d'honneur et femmes de chambre, les « petites » qui étaient deux adolescentes dans l'âge ingrat.
– Ce sont vos filles sans doute, madame ? s'informa Angélique.
– Non, ce sont mes jeunes sœurs. Elles sont insupportables. Regardez la petite : elle n'a de beau que le teint et elle a trouvé le moyen de se faire mordre par ces mouches qu'on appelle cousins : la voilà toute gonflée. Et, avec cela, elle pleure.
– Elle est triste aussi sans doute de la mort de son père ?
– Point du tout. Mais on lui a trop dit qu'elle épouserait le roi ; on ne l'appelait que la « Petite Reine ». La voici vexée qu'il en épouse une autre.
Tandis que le perruquier s'occupait des fillettes, il y eut un remous dans l'étroit escalier, et un jeune seigneur apparut sur le seuil. Il était de très petite taille avec un visage poupin qui émergeait d'un mousseux jabot de dentelles. Il avait également plusieurs volants de dentelles aux manches et aux genoux. Malgré l'heure matinale, il était mis avec grand soin.
– Ma cousine, fit-il d'une voix précieuse, j'ai entendu dire qu'il y avait chez vous un perruquier qui fait merveille.
– Ah ! Philippe, vous êtes plus futé qu'une jolie femme pour recueillir de pareilles nouvelles. Dites-moi au moins que vous me trouvez belle.
L'autre plissa ses lèvres qu'il avait très rouges et charnues et, les yeux à demi clos, examina la coiffure.
– Je dois reconnaître que cet artiste a tiré de votre visage un parti meilleur qu'on n'en pouvait espérer, dit-il avec une insolence tempérée d'un sourire coquet.
Il retourna dans l'antichambre et se pencha pardessus la rampe.
– De Guiche, mon très cher, venez donc, c'est bien ici.
Dans le gentilhomme qui entrait –un beau garçon bien découplé et très brun –
Angélique reconnut le comte de Guiche, fils aîné du duc de Gramont, gouverneur du Béarn. Le nommé Philippe saisit le bras du comte de Guiche et s'inclina sur son épaule avec tendresse.
– Oh ! que je suis heureux. Nous allons certainement être les gens les mieux coiffés de la cour. Péguilin et le marquis de Humières en pâliront de jalousie. Je les ai vus courir, fort en peine, à la recherche de leur barbier que Vardes leur avait enlevé grâce à une bourse bien pesante. Ces glorieux capitaines des gentilshommes en bec-de-corbin vont en être réduits à paraître devant le roi avec un menton en cosse de châtaigne.
Il éclata d'un rire un peu aigu, passa la main sur son menton frais rasé, puis d'un geste gracieux caressa également la joue du comte de Guiche. Il s'appuyait contre le jeune homme avec beaucoup d'abandon et levait vers lui un regard langoureux. Le comte de Guiche, souriant avec fatuité, recevait ces hommages sans aucune gêne.
Angélique n'avait jamais vu deux hommes s'adonner à semblable manège et elle en était presque embarrassée. Cela ne devait pas plaire non plus à la maîtresse du lieu, car elle s'écria tout à coup :
– Ah ! Philippe, ne venez pas vous livrer chez moi à vos câlineries. Votre mère m'accuserait encore de favoriser vos instincts pervers. Depuis cette fête à Lyon où nous nous sommes déguisés, vous, moi, et Mlle de Villeroy, en paysannes bressanes, elle m'accable de reproches à ce sujet. Et ne me dites pas que le petit Péguilin est dans la peine ou j'envoie un homme à sa recherche pour le mener ici. Voyons si je ne l'aperçois pas. C'est le garçon le plus remarquable que je connaisse, et je l'adore.
À sa façon bruyante et impulsive, elle se précipita de nouveau au balcon, puis recula, une main posée sur sa vaste poitrine.
– Ah ! mon Dieu, le voici !
– Péguilin ? s'informa le petit seigneur.
– Non, ce gentilhomme de Toulouse qui me cause une si grande peur.
Angélique, à son tour, passa sur le balcon et aperçut son mari le comte Joffrey de Peyrac, qui descendait la rue suivi de Kouassi-Ba.
– Mais c'est le Grand Boiteux du Languedoc ! s'exclama le petit seigneur qui les avait rejointes. Ma cousine, pourquoi le craignez-vous ? Il a les yeux les plus doux, une main caressante et un esprit étincelant.
– Vous parlez comme une femme, dit la dame avec dégoût. Il paraît que toutes les femmes sont folles de lui.
– Sauf vous.
– Moi, je ne me suis jamais égarée en sentimentalités. Je vois ce que je vois. Ne trouvez-vous pas que cet homme sombre et claudicant, avec ce Maure aussi noir que l'enfer, a quelque chose de terrifiant ?
Le comte de Guiche jetait des regards effarés à Angélique, et par deux fois il ouvrit la bouche. Elle lui fit signe de se taire. Cette conversation l'amusait beaucoup.
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