— Parce qu’il était son père ?
— Évidemment ! La seule évocation du parricide le révulsait… C’est pour sauver Mlle du Plan-Crépin qu’il l’a abattu sans l’ombre d’une hésitation quand il a vu qu’il allait tirer sur une pauvre fille déjà en si triste état !
— Vous allez l’arrêter ?
— Non ! Cela relève de la légitime défense. Et puis il s’est choisi une autre prison !
— Laquelle ?
— La plus sévère de toutes, si l’on s’en tient à sa règle : le monastère de la Grande Trappe à Soligny, en Normandie. Il va y vivre dans le silence, la prière, le recueillement, la pauvreté, le travail de la terre ! Mais sous le regard de Dieu ! Il lègue tout ce qu’il possède à Mathias, son fidèle compagnon plus que serviteur…
— Même ses chevaux ? Il semblait les aimer énormément ?
— Surtout eux ! ils étaient sa seule passion, et Mathias les aime à peu près autant. C’est un si brave garçon.
Arrivant de l’hôpital, Mme de Sommières les rejoignit à cet instant et, comme il se devait, elle fut assaillie de questions, mais le sourire qui revenait à son visage était la meilleure des réponses :
— Elle va mieux ! rassura-t-elle en ôtant son chapeau pour l’abandonner dans un coin. Dès à présent, les médecins répondent d’elle mais ne cachent pas que c’est un vrai miracle qu’elle doit à sa constitution exceptionnelle. Cependant il était grand temps de la tirer de là. Reste à savoir comment Hagenthal avait eu connaissance de ce véritable piège – un caveau qui ne s’ouvre que d’un seul côté.
— Je pense que c’est sa complice qui l’a découvert. Il n’y a qu’une femme assez cruelle pour condamner sa prisonnière à une mort affreusement lente en compagnie du cadavre d’une jeune mariée à peu près momifiée, dit Langlois en acceptant la cigarette qu’Aldo lui offrait.
— Pour celle-là, aucun châtiment ne me paraît assez rigoureux, reprit Adalbert. Sauf la mort, mais en France on ne condamne plus les femmes à gravir les marches d’un échafaud…
— L’Angleterre n’a pas de ces délicatesses. La « Vouivre » a pu s’enfuir pour le moment, mais toutes les polices d’Europe la recherchent à travers Interpol, et la sentence tombera un jour ou l’autre…
— Il faut le souhaiter ! dit la marquise. Nous n’allons pas vivre tranquilles avec ce danger public en liberté !
— Vous pouvez être certaine que je n’aurai de cesse de mettre la main sur elle, assura Langlois, mais le mieux, à mon avis, est de rentrer à Paris dès que l’état de santé de Plan-Crépin le permettra !
Mme de Sommières ne put s’empêcher de rire :
— C’est la première fois que vous l’appelez ainsi !
— Et cela vous a choquée ?
— Pas le moins du monde ! Au contraire même. Cela prouve seulement que vous vous intégrez un peu à la famille ! Et je suis persuadée qu’elle en sera enchantée. Déjà elle s’agite beaucoup et l’hôpital ne rêve que de nous la renvoyer. D’autant que Verdeaux la fait garder pratiquement à vue, ce qui est fort encombrant pour le service. Ils « espèrent » pouvoir nous la rendre demain…
Elle prit un temps en se détournant, comme si elle avait encore à dire quelque chose de difficile, mais le policier la connaisait elle aussi :
— Qu’est-ce qui vous tourmente ?
La réponse vint presque aussitôt :
— C’est peu de le dire… Elle voudrait revoir son sauveur. Au moins quelques instants, afin de le remercier !
— Je ne crois pas qu’il le souhaite ! soupira le policier, soudain assombri. C’est le mortel danger qui la menaçait qui l’a forcé à un geste qu’il a toute sa vie redouté. Elle est l’incarnation vivante de son crime, puisque c’en est un pour lui ! Je vais essayer de le convaincre, parce que j’aimerais vraiment lui donner cette joie après ce qu’elle vient de subir, mais Hugo ne ressemble à personne… sinon à ce tragique Charles de Bourgogne dont le destin… ou le hasard lui a donné les traits !
— Vous croyez qu’il a fini par se prendre au jeu ?
— Si étrange que cela soit, j’en suis certain. Le mieux est de le laisser à son tête-à-tête avec Dieu ! Qu’elle prie pour lui, il lui en sera reconnaissant !
Trois jours plus tard, Plan-Crépin investissait le manoir au milieu des applaudissements et de la joie générale… sauf Marie de Regille, que l’on avait rendue à son papa.
Sans afficher une mine superbe, la rescapée allait visiblement beaucoup mieux. Elle avait retrouvé son appétit, son œil investigateur et même son humeur frondeuse de naguère :
— Ce n’est pas parce que l’on a fait un cauchemar qu’il faut se rouler dedans chaque jour de sa vie ! déclara-t-elle en reprenant sa place à table devant les moires écarlates du cardinal de Richelieu.
Mais, au moment de regagner sa chambre escortée de Tante Amélie et de Clothilde, Marie-Angéline demanda en grâce qu’on lui accorde un instant d’entretien seule à seul avec Aldo :
— Ne m’en veuillez pas ! Il se trouve que je lui dois des excuses… particulières !
Cinq minutes plus tard, ils étaient seuls et face à face. Elle planta son regard redevenu clair dans celui de son cousin :
— « Il » ne veut pas me voir, n’est-ce pas ?
— De qui parlez-vous ?
— Vous le savez très bien. De celui qui m’a sauvée. Je suis pour lui à la fois une bonne action et le plus lourd des péchés… Parricide ! Ce qu’il redoutait le plus au monde !
— Que vouliez-vous lui dire ?
— Rien ! Seulement lui offrir ceci :
Bien à plat sur la paume de sa main ouverte, un diamant pyramidal s’enflamma soudain sous les lumières de la chambre, devant les yeux émerveillés d’Aldo :
— Je l’ai trouvé à Noirmont enfoui dans les vestiges d’une robe de mariée poussiéreuse. J’espérais seulement qu’il lui porterait bonheur… N’était-il pas le Talisman du Téméraire ?
Saint-Mandé, le 12 mai 2014.
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