Il se nommait Gaston, comte de Foix et d’une foule d’autres seigneuries. Il était beau, fastueux, superbe et son épaisse chevelure dorée le faisait comparer au soleil lui-même. Et, comme il avait assez d’orgueil pour accepter sans rire la comparaison, il en vint à ajouter lui-même le sobriquet à son nom. Il fut et signa : Gaston Phœbus.
Plus orgueilleux même que Louis XIV qui n’eut jamais, grâce à Dieu, l’idée saugrenue de signer Louis-Soleil, Gaston III de Foix, de Béarn et autres lieux avait de lui-même une très haute idée entretenue d’ailleurs par la véritable fascination qu’il exerça, sa vie durant, sur ses contemporains, hommes ou femmes. Surtout femmes car il ne connut guère de cruelles et on lui sait au moins deux bâtards.
Les débuts furent inquiétants. « En sa jeunesse, écrit le chroniqueur Michel de Bernis, il fut plein d’une mauvaise mollesse et très instable mais peu à peu, grâce aux admonestations de sa mère, Madame Aliénor (de Comminges), il se corrigea et commença à faire preuve de vertu et de noblesse. » En fait, c’était une sorte de jeune fauve, adonné dès la puberté à tous les démons de la luxure et de la violence. Pourtant, il avait reçu une formation intellectuelle exceptionnelle pour son époque. Il parlait avec une égale aisance la langue d’oc, le français et le latin. Il fut poète, composa des chansons et laissa au moins deux ouvrages : Phébus des déduiz de la chasse des bestes sauvaiges et des oyseaux de proye et le Livre des Oraisons où il a fait, sur le tard, sa propre autocritique, attribuant à la grâce divine sa transformation en un prince éclairé et sage… de temps en temps tout au moins.
Marié, à vingt ans, à Agnès de Navarre qui en avait quatorze – fille de Philippe d’Évreux, roi de Navarre, et de Jeanne de France –, le 4 août 1349 dans la chapelle du Temple à Paris, il n’accordera à sa jeune femme que trois mois de bonheur, les trois mois de lune de miel qu’ils passèrent ensemble au château de Conflans. Puis, la peste noire ravageant alors la France (la mère de la jeune femme venait d’en mourir), Gaston ramena Agnès en Béarn et l’installa au château de Moncade, en attendant que la dot lui soit payée rubis sur l’ongle.
Malheureusement pour la pauvre enfant, ladite dot ne devait jamais l’être intégralement. Ses parents étant morts à peu de distance, la Navarre trouva un nouveau maître en son frère Charles, devenu le roi Charles II, mais auquel l’Histoire a attribué un sobriquet transparent : Charles le Mauvais. Naturellement cet aimable personnage qui était avare autant que mauvais ne jugea jamais utile d’envoyer à son beau-frère l’or qu’il attendait. Le blond Phœbus finit par réexpédier Agnès en Navarre où elle fut reçue avec tous les honneurs dus à son rang et bien qu’elle eût donné à son époux un fils, Gaston.
Un fils qu’il n’aima jamais, lui préférant ses bâtards et singulièrement Yvain de Lescar qui était son favori et dont il fit son capitaine des gardes. Ulcéré, le jeune Gaston complota-t-il la mort d’un père qui le méprisait ou bien tenta-t-il simplement de lui faire avaler un philtre d’amour pour le ramener à sa mère ? Toujours est-il que Phœbus tua son fils de sa propre main.
Mais revenons-en à Pau. Gaston Phœbus fit construire une bonne partie du château actuel bien qu’il n’y résidât que très irrégulièrement, préférant pour l’usage de tous les jours son château d’Orthez. Pau avait une destination plus ostentatoire et il devait servir, somme toute, à sa propre gloire. Il confia les travaux, qui commencèrent vers 1370, à un grand architecte, Sicard de Lordat, qui allait construire la plupart de ses châteaux. Le résultat fut conforme à ce qu’il en attendait.
« Ce chastel est, pour le dit des gens, le plus bel du monde fait de main d’homme », écrit un voyageur. Phœbus y tint sa cour dans les grandes occasions, amenant alors avec lui ses piqueurs, ses chiens et tout l’éclat d’une cour qui était à l’époque l’une des plus riches d’Europe.
Le crime commis sur son propre fils ne devait pas lui porter bonheur. Le roi Charles VI a refusé que Phœbus fasse d’Yvain de Lescar son héritier. Il fallut bien s’en tenir à une branche collatérale, celle de Foix-Castelbon. Isabelle, héritière de cette noble maison, apporta le fastueux héritage, y compris Pau, à son époux Archambaud de Grailly.
La lignée des Foix-Grailly continua, pour ses fils, le double prénom de Gaston et de Phœbus mais ce fut Gaston IV qui, ayant épousé Éléonore de Navarre, prit le titre de prince de Navarre en attendant que son petit-fils, François Phœbus, prenne le titre de roi de Navarre. Un titre qui allait faire de Pau, désormais, une résidence royale.
Rois et reines de Navarre prirent à tâche de conserver Pau et de l’embellir, même ceux qui, telle Marguerite d’Angoulême sœur de François Ier, lui préférèrent le petit Nérac. Mais l’heure de gloire allait sonner pour le château le 1er décembre 1553.
Henri d’Albret, époux de Marguerite, était un homme d’un autre âge. Un rude seigneur s’il en fut. Il avait décidé que sa fille, Jeanne d’Albret, héritière de Navarre et mariée à Antoine de Bourbon, ne pourrait accoucher qu’à Pau. En conséquence de quoi il la fit revenir à marches forcées depuis Compiègne où elle se trouvait alors. Puis, quand les douleurs de l’enfantement commencèrent, Jeanne s’entendit ordonner de chanter afin que l’enfant qui allait naître ne fût « ni rechigné ni pleureur ». Car, bien entendu, dans l’esprit du roi de Navarre il ne pouvait s’agir que d’un garçon.
En fille obéissante, Jeanne – qui tenait de son père un caractère bien trempé – se mit non seulement à chanter mais à composer ce qu’elle chantait : un hymne à Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, une chapelle qui se trouvait en face du château. Et le « miracle » eut lieu : un solide garçon vint au jour en braillant vigoureusement, ce qui combla de joie le grand-père.
Incontinent, celui-ci s’empara du bébé, lui frotta les lèvres d’une gousse d’ail, conformément à la tradition, puis lui fit boire une goutte de vin de Jurançon en affirmant : « Tu seras un vrai Béarnais. » Puis il consentit enfin à le remettre aux dames qui le couchèrent dans un berceau fait d’une grande écaille de tortue.
Ce fut encore le terrible grand-père qui exigea que son petit-fils fût élevé comme un vrai paysan ; pieds nus et tête nue. Le jeune Henri n’avait que deux ans lorsque mourut l’aïeul mais Jeanne d’Albret ne vit aucun inconvénient à ce que l’on continuât ce genre d’éducation. Le résultat fut ce que l’on sait : Henri IV fut l’un des plus vigoureux et des plus durs à la peine de tous nos rois. Il avait toutes les qualités qui font les conquérants, ce qui est bien, mais surtout les bons rois, ce qui est mieux.
Le mariage d’Henri, en 1572, avec la ravissante et folle reine Margot fit connaître à Pau, lorsque le couple vint enfin s’y installer, les joies et les fêtes chères à la cour des Valois. Même si ce n’était que par intermittence car, semblable à cette autre Marguerite venue de France, Margot préférait Nérac et les allées ombreuses où il était si agréable de se promener avec quelque beau cavalier.
Malheureusement pour le château, l’accession d’Henri au trône de France allait marquer son déclin. La couronne de Navarre perdait de son éclat auprès de celle de France et Henri IV ne se souvint de Pau que pour y faire prendre meubles et tapisseries destinées au Louvre. Le château tomba dans l’oubli. Des rois, tout au moins, puisqu’il fut la résidence des gouverneurs quand Béarn et Navarre furent unis définitivement à la France. Et s’il reçut quelques visites royales, ce fut uniquement lorsqu’un Bourbon ou un autre souhaitait visiter la chambre où Henri IV avait poussé son premier cri.
La Révolution fit du château une caserne et si Napoléon songea à faire effectuer une restauration (était-ce pour faire plaisir à la mémoire de son « oncle Louis XVI » ?) il n’en eut pas le temps. C’est l’honneur de Louis-Philippe d’avoir restauré le château, même s’il y mit parfois un enthousiasme et une exubérance qui frisaient l’exagération. Néanmoins il sut dévaliser le Garde-Meuble royal de ses plus belles tapisseries au profit de ce château qui, décidément, lui tenait à cœur.
Napoléon III puis la République – le château appartient à l’État – ont fait de leur mieux pour conserver à la France ce beau témoin de sa grandeur.
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Polignac
Les exploits d’un La Fayette médiéval
Le mariage est une des plus importantes actions de la vie mais c’est peut-être celle de toutes où l’on examine le moins les convenances.
En ce mois de janvier 1467, le seigneur Guillaume-Armand de Polignac se prenait à trouver la vie morose. L’hiver est rude en Haute-Loire et la neige montait le long des murs de son gros château, puissante citadelle érigée sur une falaise de basalte au-dessus de la route du Puy-en-Velay. Des troncs entiers brûlaient dans les cheminées sans parvenir à réchauffer réellement le triste seigneur.
À cette humeur lugubre deux causes : la goutte d’abord qui l’empêche de bouger son pied gauche sans de cruels élancements et ensuite le fait que le seigneur Guillaume-Armand est au plus mal avec son suzerain suprême, le roi Louis, onzième du nom : un personnage avec lequel il n’est pas bon de plaisanter.
À vrai dire, le seigneur de Polignac n’a pas plaisanté : il s’est seulement rebellé quand, avec le duc de Bourbon dont il est aussi vassal, il a adhéré à cette fameuse ligue du Bien public soutenue par le duc de Bourgogne. Or, à la bataille de Montlhéry, le jeune roi, payant de sa personne avec un beau courage, a ramené ladite ligue à la raison et, depuis, les hauts seigneurs discutent. Mais Guillaume-Armand, en ce qui le concerne, a jugé qu’il serait certainement plus prudent de regagner ses montagnes vellaves sur la pointe des pieds et en essayant de se faire aussi petit que possible – ce qui n’était guère facile vu son tour de taille – laissant ainsi au roi tout le loisir de statuer sur son cas. S’il prenait fantaisie à Louis XI de réclamer la grosse tête de Polignac, du moins aurait-il quelque peine à venir la prendre derrière les grands murs noirs de sa forteresse.
C’était ce que notre sire se disait pour se rassurer et certes il avait pleine confiance dans ses grosses tours et ses bonnes murailles mais il n’en scrutait pas moins l’horizon matin et soir pour voir si quelque armée ne s’y montrait pas. Heureux père de huit enfants plus un en préparation, Guillaume-Armand se trouvait un peu jeune pour faire un mort.
Et voilà que, vers le milieu du jour, les guetteurs signalent une troupe armée. Une troupe ? Quel genre de troupe ? Cinquante hommes environ… Voit-on les bannières ? On en voit deux : l’une sans danger qui signale le jeune Gilbert de La Fayette, un voisin, mais l’autre… l’autre c’est la bannière de France et celui devant qui on la porte, c’est Berry, le héraut d’armes, favori de Louis XI.
Tout de suite, c’est l’affolement. Que faire ? Mettre le château en défense ? La Fayette n’a jamais eu de mauvaises intentions. Quant au héraut… eh bien ! mon Dieu, il n’amène pas une armée. La comtesse Amédée, femme de Guillaume-Armand, appelée en consultation (elle est de grande race elle aussi, c’est une Saluces), est d’avis qu’il faut recevoir. Son seigneur et maître se récrie : il est bien trop malade ! Que dame Amédée reçoive, elle, mais qu’elle fasse entendre que le seigneur des lieux est à l’agonie.
Dame Amédée fait bien remarquer que sa grossesse est fort avancée, un peu trop visible pour les convenances. Raison de plus : on ne l’en traitera qu’avec plus d’égards. Et Guillaume-Armand se calfeutre dans sa chambre tandis que sa femme s’en va en soupirant donner des ordres pour l’accueil et le souper. Quand on est Polignac, c’est-à-dire d’une lignée qui remonte à la nuit des temps, on se doit de déployer un certain faste. Et dame Amédée le déploie.
Le festin est superbe. Selon la coutume du temps, la comtesse partage son plat avec messire Berry tandis que le jeune Gilbert de La Fayette est admis à l’honneur de partager celui d’Ysabeau, la fille aînée de la maison. Une jouvencelle de quinze ans dont les fleurs promettent des fruits savoureux. De son côté, Ysabeau pense à part elle que Gilbert est un bien beau garçon mais elle se garde de le lui laisser voir, se contentant, avec lui, d’un aimable « fleuretage ».
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