Marc Levy a publié neuf romans : Et si c’était vrai… (2000), Où es-tu ? (2001), Sept jours pour une éternité… (2003), La prochaine fois (2004), Vous revoir (2005), Mes Amis Mes Amours (2006), Les enfants de la liberté (2007), Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites (2008) et Le premier jour (2009). Traduit dans le monde entier, adapté au cinéma, Marc Levy est depuis neuf ans l’auteur français le plus lu dans le monde.
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DU MÊME AUTEUR CHEZ POCKET
Et si c’était vrai…
OÙ es-tu ?
Sept jours pour une éternité…
La prochaine fois
Vous revoir
Mes amis, mes amours
Les enfants de la liberté
Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites
MARC LEVY
LA PROCHAINE FOIS
ROBERT LAFFONT
À Louis,
À ma sœur Lorraine.
Jonathan,
T’appelles-tu toujours ainsi ? Je réalise aujourd’hui qu’il y a tellement de choses que je ne savais pas et je repousse sans cesse les mesures de ce vide qui m’entoure depuis que tu es parti. Souvent lorsque la solitude obscurcissait mes journées je regardais le ciel, puis la terre, avec cette farouche impression que tu étais là quelque part. Et il en fut ainsi au cours de toutes ces années, seulement nous ne pouvions plus nous voir, ni nous entendre.
Il paraît que nous pourrions passer l’un à côté de l’autre sans même nous reconnaître.
Je n’ai cessé de lire depuis le jour de ton départ, visité tant de lieux à ta recherche, à celle d’un moyen de comprendre, d’un quelconque savoir. Et plus les pages de la vie se tournaient, plus je réalisais que la connaissance s’éloignait de moi, comme dans ces cauchemars où chaque pas en avant vous fait reculer d’autant.
J’ai arpenté les galeries sans fin des grandes bibliothèques, les rues de cette ville qui fut la nôtre, celle où nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marché le long des quais, sur les pavés du marché à ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrêté par-ci par-là, il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar près du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Nous nous y retrouvions si souvent à la tombée du jour. Nous jouions à entraîner l’autre dans des dérives de mots qui jaillissaient de nos bouches comme autant de passions que nous vivions ensemble. Et nous parlions sans compter les heures de ces tableaux qui animaient nos vies et nous transportaient vers d’autres temps.
Dieu, que nous avons aimé la peinture toi et moi ! Je parcours souvent les livres que tu écrivais, j’y retrouve ta plume, tes goûts.
Jonathan, je ne sais pas où tu es. Je ne sais si tout ce que nous avons vécu avait un sens, si la vérité existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite.
Je sais que lorsque tu seras devant la toile, tu mettras tes mains dans ton dos, tu plisseras les yeux comme à chaque fois que tu es surpris et puis tu souriras. Si, comme je le souhaite, elle est à tes côtés, tu la prendras sous ton bras, vous regarderez à deux cette merveille que nous avons eu le privilège de partager, et peut-être, peut-être te souviendras-tu. Alors, si tel est le cas, à mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitié on ne doit rien. Mais voici néanmoins ma requête :
Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpenté les mêmes rues, ri avec toi autour des mêmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles où nous avons posé nos mains et nos regards contient à jamais une part de notre histoire. Dis-lui, Jonathan, que j’étais ton ami, que tu étais mon frère, peut-être mieux encore puisque nous nous étions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous séparer, même votre départ si soudain.
Il ne s’est écoulé aucun jour depuis lors sans que je pense à vous deux, avec l’espoir de votre bonheur à vivre.
Je suis un vieil homme désormais, Jonathan, et l’heure de mon propre départ approche, mais grâce à vous deux, je suis un vieillard au cœur rempli d’une étincelle de lumière qui le rend si léger. J’ai aimé ! Est-ce que tous les hommes peuvent partir riches d’une condition aussi inestimable ?
Quelques lignes encore et tu replieras cette lettre, tu la rangeras silencieusement dans la poche de ta veste, tu croiseras ensuite tes mains dans ton dos et tu souriras, comme moi en t’écrivant ces derniers mots. Moi aussi, je souris, Jonathan, je n’ai jamais cessé de sourire.
Bonne vie, à vous deux.
Ton ami, Peter
1.
– C’est moi, je quitte Stapledon, je serai en bas de chez toi dans une demi-heure, j’espère que tu es là ? Foutu répondeur ! J’arrive.
Peter raccrocha nerveusement, il fouilla dans ses poches à la recherche de ses clés avant de se rappeler qu’il les avait confiées la veille au voiturier. Il consulta sa montre, l’avion pour Miami ne décollait de Logan Airport qu’en fin d’après-midi, mais en ces temps troublés les nouvelles consignes de sécurité imposaient de se présenter à l’aéroport au moins deux heures avant le départ. Il referma la porte du petit appartement élégant qu’il louait à l’année dans une résidence du quartier financier et emprunta le corridor aux moquettes épaisses. Il appuya trois fois sur le bouton d’appel de l’ascenseur, geste d’impatience qui n’avait jamais accéléré l’arrivée de la cabine. Dix-huit étages plus bas, il passa d’un pas pressé devant M. Jenkins, le concierge de l’immeuble, et l’informa qu’il serait de retour le lendemain. Il avait laissé dans son entrée un sac de linge à faire enlever par la laverie qui touchait l’immeuble. M. Jenkins rangea dans un tiroir le cahier « Arts et Culture » du Boston Globe qu’il était en train de lire, inscrivit la requête de Peter dans un registre de service, et il abandonna son comptoir pour le rattraper et lui ouvrir la porte.
Sur le perron, il déplia un grand parapluie siglé et protégea Peter de la fine averse qui tombait sur la ville.
– J’ai fait demander votre automobile, déclara-t-il, en fixant l’horizon bouché.
– C’est très aimable à vous, répondit Peter d’un ton sec.
– Mme Beth, votre voisine de palier, est absente en ce moment, aussi, quand j’ai vu la cabine s’élever à votre étage, j’en ai déduit…
– Je sais qui est Mme Beth, Jenkins !
Le concierge regarda le voile de nuages gris et blancs tendu au-dessus de leurs têtes.
– Fâcheux temps, n’est-ce pas ? reprit-il.
Peter ne répondit pas. Il détestait certains avantages qu’offrait la vie dans une résidence de luxe. Chaque fois qu’il passait devant le comptoir de M. Jenkins, une part de son intimité lui semblait violée. Derrière son comptoir face aux grandes portes à tambour, l’homme au registre contrôlait les moindres allées et venues des occupants de la résidence. Peter était convaincu que son concierge finirait par en savoir plus sur ses habitudes que la plupart de ses amis. Un jour, de méchante humeur, il s’était faufilé par l’escalier de service jusqu’au parking pour quitter l’immeuble par la porte du garage. À son retour, il passait altier devant Jenkins lorsque ce dernier lui tendit courtoisement une clé à tête ronde. Alors que Peter le regardait interloqué, Jenkins dit d’un ton neutre :
– Si le parcours inverse devait retenir votre attention, ceci vous sera très utile. Les portes palières des étages sont verrouillées depuis l’intérieur de la cage d’escalier, voici de quoi remédier à ce fâcheux problème.
Dans l’ascenseur, Peter s’était fait un point d’honneur de ne laisser transparaître aucune émotion, certain que Jenkins ne perdait rien de son attitude, filmée par la caméra de surveillance. Et lorsque, six mois plus tard, il avait entretenu une relation éphémère avec une certaine Thaly, une jeune actrice très en vogue, il s’était surpris à passer la nuit dans un hôtel, préférant l’anonymat du lieu à la mine éblouie de son concierge, dont l’inaltérable bonne humeur matinale l’agaçait au plus haut point.
– Je crois que j’entends le moteur de votre véhicule. L’attente ne devrait plus être longue, monsieur.
– Vous reconnaissez aussi les voitures à leur bruit, Jenkins ? dit Peter d’un ton volontairement impertinent.
– Oh ! pas toutes, monsieur, mais votre vieille anglaise a, vous l’admettrez, un léger claquement de bielles, une sorte de « Dadeedoo », évoquant le délicieux accent de nos cousins d’outre-Atlantique.
Peter haussa les sourcils, il fulminait. Jenkins était homme à avoir rêvé toute sa vie d’être né citoyen de Sa Majesté, distinction d’une certaine élégance dans cette ville aux traditions anglo-saxonnes. Les gros phares ronds du coupé Jaguar XK 140 jaillirent de la bouche du parking. Le voiturier immobilisa la voiture sur la ligne blanche tracée au milieu du perron.
– N’est-il pas, mon cher Jenkins ! s’exclama Peter en avançant vers la portière que le voiturier retenait ouverte à son attention.
La mine froissée, Peter prit place derrière son volant, fit rugir la vieille anglaise et démarra en adressant un petit geste de la main à Jenkins.
Il vérifia dans le rétroviseur que ce dernier, comme à son accoutumée, attendrait qu’il ait tourné au coin de la rue pour s’autoriser à rentrer dans l’immeuble.
– Vieux crouletabille ! Tu es né à Chicago, toute ta famille est née à Chicago ! marmonna-t-il.
Il enclencha son téléphone portable dans un réceptacle et appuya sur la touche où était mémorisé le numéro du domicile de Jonathan. Il s’approcha du micro fiché dans le pare-soleil et hurla :
– Je sais que tu es chez toi ! Tu n’as pas idée de ce que ton filtrage peut m’agacer. Quoi que tu sois en train de faire, il te reste neuf minutes. Bon, tu as intérêt à être là !
Il se pencha pour changer la fréquence du poste de radio abrité dans la boîte à gants. En se redressant, il découvrit à une distance encore raisonnable de sa calandre une femme qui traversait la chaussée. Une attention plus particulière lui fit prendre conscience qu’elle marchait au rythme de ce pas que parfois l’âge impose. Les pneus abandonnèrent quelques rubans de gomme noire sur l’asphalte. Quand la voiture fut arrêtée, Peter rouvrit les paupières. La femme poursuivait sa traversée, paisible. Les mains encore crispées sur le volant, il inspira, défit sa ceinture et se déplia à l’extérieur du coupé. Il se précipita et se confondit en excuses, entraînant la vieille dame par le bras pour l’aider à parcourir les quelques mètres qui la séparaient du trottoir.
Il lui tendit sa carte, et s’excusa. Usant de tout son charme, il jura que la culpabilité de lui avoir infligé une telle frayeur le rongerait pendant une bonne semaine. La vieille dame avait l’air très étonné. Elle le rassura en agitant sa canne blanche. Seule son ouïe défaillante expliquait le sursaut qu’elle n’avait pu réprimer quand il l’avait si galamment saisie par le coude pour l’aider à traverser. Peter ôta du bout des doigts un cheveu égaré sur la gabardine de la femme et la laissa à sa journée, reprenant le cours de la sienne. Il recouvra ses esprits dans l’odeur familière du vieux cuir qui envahissait l’habitacle. Il poursuivit à douce allure sa route vers le domicile de Jonathan. Au troisième feu, il sifflotait déjà.
*
Jonathan grimpait les marches de la ravissante maison qu’il habitait dans le quartier du vieux port. Au dernier étage, la porte de l’escalier s’ouvrait sur l’atelier sous verrière où sa compagne peignait. Anna Valton et lui s’étaient rencontrés un soir de vernissage. Une fondation appartenant à une riche et discrète collectionneuse de la ville présentait le travail d’Anna. En examinant les tableaux exposés dans la galerie, il lui avait semblé que l’élégance d’Anna était omniprésente dans sa peinture. Son style appartenait à un siècle auquel il avait consacré sa carrière d’expert. Les paysages d’Anna étaient infinis, il usa de mots choisis pour les lui commenter. Le sentiment d’un professionnel à la renommée aussi prestigieuse que celle de Jonathan alla droit au cœur de la jeune femme qui exposait pour la première fois ses toiles.
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